L’art rendrait-il ses lettres de noblesse au porno ?

Porno, skato, obscène, trash, vulgaire, le blog des Skinjackin (1) interdit aux moins de 18 ans ne fait pas dans la dentelle. Des collages sur de vieilles revues, des nichons en veux-tu en voilà, des sexes à la loupe, des références phalliques, des images superposées qui créent des tableaux qui ont le mérite de l’audace et souvent de l’humour, témoignant tous d’un véritable exutoire artistique.

Si l’érotisme est aujourd’hui plus ou moins acquis comme étant possiblement de l’art, le penchant pornographique, à une époque où le porno est si aisément accessible, crée la controverse, et peut-être plus encore maintenant qu’il y a quelques années, notamment par un accroissement des associations ou lobbies cherchant à protéger les jeunes gens de la perversion. La pornographie, c’est l’obscène, le vulgaire, le côté le plus bestial de l’être humain. L’érotisme suggère quand la pornographie montre tout.

Dans nos sociétés modernes, la pornographie, par le biais d’Internet (12% des sites sont classés X), c’est du cul pour tous où toutes les perversions sexuelles sont disponibles sans se lever de son canapé. Cette accessibilité dérange énormément. La pornographie a toujours existé (si, si, faut aller voir Pompéi, lire le Kama sutra, observer les modillons obscènes des églises romanes…) mais elle est définitivement tombée dans les mains du peuple.

Modillon obscène dans une église romane

L’origine du monde, de Gustave Courbet, fut commandée par un diplomate turc ; si le tableau avait été à la portée de tous, il aurait probablement été interdit. En 1969, les films pornographiques sont interdits de projection : ils constituent des objets outrageant les bonnes mœurs. Ce n’est que vers 1974-1975 que la pornographie est autorisée, puis régulée. Interdiction, cependant, ne signifie pas absence. Le commerce de la pornographie était bien vivant, surtout depuis que, en 1967, certains pays scandinaves avaient accepté de libéraliser ce commerce.

Poupée violée, Pierre Molinier, 1967, Galerie Andrea Caratsch

« C’est dans les couches jeunes des fractions dominées-ascendantes de la classe dominante, à distance le plus souvent de la production matérielle (intellectuels, artistes, professions libérales, étudiants…), que s’épanouissent à la fois le modernisme et le révolutionnarisme sexuels » (Béjin et Pollack, 1977, 120). La pornographie est moderniste en ce sens qu’elle intègre les mécanismes de distinction. Dès que le peuple consomme des représentations sexuelles explicites autrefois réservées à une élite, ces représentations deviennent vulgaires, dépourvues de valeurs morales et esthétiques (2). La pornographie est-elle de l’art ? Si on se tient à une définition juridique, l’empreinte de la personnalité de l’auteur et l’originalité de l’oeuvre, lorsqu’il s’agit d’un acte sexuel, filmé ou photographié, est rarement perceptible. Mais elle peut le devenir dans certains cas, et c’est ce qui ici nous intéresse.

John Currin, The Women of Franklin Street, 2009, Gagosian Gallery

Pour Andres Serrano, l’un des photographes les plus controversés aux États-Unis, « la seule différence entre l’art et la pornographie, c’est que l’art est plus cher ». Facile de faire des bons mots, la citation peut aisément être contredite, ne serait-ce qu’avec l’histoire de la vente d’un film supposé montrer Marylin Monroe dans des ébats sexuels (3), mais ce qui est certain, c’est que là où la pornographie est populaire, l’art, dans certains domaines, est extrêmement élitiste.

Jasper Joffe, Japanese, 2008

Élément révélateur peut-être, c’est sur Arte que l’on trouve le plus de documentaires sérieux sur le sujet de la pornographie. Est-ce que t’es pas un peu has been si t’as jamais vu Impaled de Larry Clark ?
Quand la pornographie devient de l’art, ne renoue-t-elle pas avec son aspect élitiste ?

Revenons au blog du Skinjackin. Vous avez créé un blog porno de vos dessins, censuré aux moins de 18 ans : que pensez-vous de l’alliance  entre porno et art ?

« Notre projet porno a commencé par une visite innocente dans un sex-shop de Bordeaux qui fermait ses portes quelques jours plus tard et bradait tous ses magazines à pas cher.

Autant vous dire direct que je suis reparti de là avec tout un tas d’images dégoutantes sous le bras.

De cette chasse au trésor est né notre blog coquin, avec toujours comme contrainte de travailler sur de la peau, cette fois-ci par le biais de retouches d’images pornographiques.

Très important pour le bien-être des artistes participant au projet, le fait d’avoir accès à une plate-forme d’expression différente de ce que l’on propose d’habitude.
Notre principale motivation au sein du collectif étant de vous en mettre une bonne dose, voilà un excellent moyen d’aller graphiquement bien plus loin que ce qu’il nous est possible de faire par le biais plus « commercial » de notre activité de faux tatoueurs.

L’art et le porno, ça existe depuis toujours, on a rien inventé.

La pornographie est présente partout dans notre monde occidental contemporain, suggérée ou non, cachée dans la publicité pour nous vendre des voitures, des yaourts, satisfaire des besoins créés par la société de consommation. Bon tout le monde sait ça, alors pas la peine de faire ta petite chatte quand tu viendras faire un tour sur le blog, c’est pas comme si on t’avait pas bourré le crâne dès la naissance.

Les femmes à poil nous offrent un espace de liberté qui maintient à distance les références historiques et idéologiques et dans lequel nous puisons une partie de notre inspiration picturale. Nous transférons ainsi cette formidable énergie que nous procure le désir de vous la mettre pour lui donner forme dans ces illustrations maléfiques.

Ce qu’on appelle vulgairement « l’art », eh ben pour nous c’est du « lard », ou du cochon comme tu préfères.

L’art est mort il y a déjà bien longtemps, place aux jeunes, gloire au lard de rue. Voilà quelques menus slogans qui vous donneront matière à réfléchir.

Ce projet devient une sorte d’exutoire, un territoire vierge de toute constitution éthique et morale.

La dimension cathartique de ce travail reste importante, nous pouvons ainsi nous libérer d’éléments considérés comme impurs. Dans ce monde où les forces du mal nous glissent des quenelles au quotidien, au bout d’un moment faut que ça sorte, le tout dans la joie et la bonne humeur.

On s’en contrefout de l’hypocrite bienséance ambiante, on est là pour vous mettre la misère.

Si on faisait de la politique, autant vous dire qu’on se serait fait assassiner il y a bien longtemps.

Pour finir, je vais vous parler vite fait de notre principale référence pour ce projet de cahier de coloriage pornographique :

Paloma Blanco et ses « Porno Tapados ».
http://www.bellezainfinita.org/porno-tapados-paloma-blanco/

Paloma travaille avec des images porno, et les retravaille pour en faire des scènes du quotidien, magnifique.

Les gars de chez Diesel se sont fait faire un petit film animé dans le même esprit.
http://www.dailymotion.com/embed/video/x6vo0j_pub-diesel-xxx-vintage-retro-sexy_creation
Pub Diesel xxx vintage retro sexypar CyberPeople

Sans oublier le gros bisou de la fin, allez tous vous faire mettre.

Le collectif Skinjackin. »

(1) Skinjackin : ribambelle de petits malins de Bordeaux à Montreal utilisant la culture posca sur les corps de leurs «victimes » – Site officiel / Blog porno

(2) Pour l’analyse philosophique de la pornographie, il faudra lire « Penser la pornographie » de Ruwen Ogien. Résumé : http://www2.cndp.fr/magphilo/philo11/pornographie.htm

(3) Cérac33 : Observations sur la mise en vente aux enchères publiques le 7 août 2011 d’un film pornographique censé mettre en scène Marilyn Monroe

Comments
3 Responses to “L’art rendrait-il ses lettres de noblesse au porno ?”
  1. goupixg6 dit :

    C’est plutôt le porno qui redonne à l’art sa dimension grotesque. Q : Tagger la chatte de sa copine avec un Posca™ , vers un renouveau de l’art pariétal ?

  2. Anonyme dit :

    Tout cela est vieux comme Hérode et guère intéressant. Il ne manque que Félicien Robs !
    A rebaptiser, « sexe, art et conformisme »

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